Albert Camus : L’envers et l’endroit

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Albert Camus : L’envers et l’endroit

Je rencontre parfois des gens qui vivent au milieu de fortunes que je ne peux même pas imaginer. Il me faut cependant un effort pour comprendre qu’on puisse envier ces fortunes. Pendant huit jours, il y a longtemps, j’ai vécu comblé des biens de ce monde: nous dormions sans toit, sur une plage, je me nourrissais de fruits et je passais la moitié de mes journées dans une eau déserte. J’ai appris à cette époque une vérité qui m’a toujours poussé à recevoir les signes du confort, ou de l’installation, avec ironie, impatience, et quelquefois avec fureur. Bien que je vive maintenant sans le souci du lendemain, donc en privilégié, je ne sais pas posséder. Ce que j’ai, et qui m’est toujours offert sans que je l’ai recherché, je ne puis rien en garder. Moins par prodigalité, il me semble, que par une autre sorte de parcimonie: je suis avare de cette liberté qui disparaît dès que commence l’excès des biens.

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